Transgascogne 2023,
le débrief de la 2e étape

Par Victor Mathieu

Bonjour à tous,

Voici le débrief tant attendu de notre victoire sur la 2e étape de la Transgascogne 2023 !

Les conditions annoncées étaient molles au départ avec du vent qui devait rentrer le lendemain matin et quelques passage de fronts.

Un front pour les néophytes, c’est ce qu’on retrouve en Bretagne depuis 2 semaines pour le plus grand bonheur des vacanciers :

  • Etape 1 : le ciel se couvre, la journée sur la plage semble mal engagée mais on se dit que le soleil va revenir
  • Etape 2 : manque de bol les nuages ont vraiment l’air de s’installer avec un petit vent qui se lève, le maillot de bain est alors assorti d’un pullover
  • Etape 3 : alors qu’on sortait le picnic il commence à pleuvoir et le ciel gris est de plus en plus bas
  • Etape 4 : on aurait mieux fait de ne pas s’obstiner car grand-mère est en train de s’envoler dans les bourrasques et une pluie torrentielle vient de s’abattre sur nous…
  • Etape 5 : on va au ciné ou à la piscine en attendant les éclaircies qui reviennent timidement

Pas de panique (à défaut d’avoir un picnic), nous les marins on adore ça les fronts. Ils sont synonymes de stratégie, de coups à jouer et surtout quand on va dans la bonne direction (ce qui était le cas) on “déboule” alors très très vite vers l’objectif.

Mais avant cela il a fallu se battre dans la molle…

On n’avait pas trop peur de nos concurrents directs au classement double car on avait une bonne avance en temps au général. Ce qu’on voulait surtout c’était rester accroché dans les bottes de notre uruguayen préféré : Federico !

Problème : on est 2 sur le bateau, donc en gros on pèse 100kg de plus pour un bateau qui ne fait que 700kg… En gros on est plus enfoncé dans l’eau que lui, donc on traine plus d’eau et on peine à avancer aussi vite que lui.

Ça, on le savait dès le début. Donc, l’objectif était de perdre le moins de terrain possible dans la molle pour revenir lorsque le front arrivera.

La première partie de course ne se déroule pas trop mal, on reste au contact (3-4 Miles derrière), Max est fatigué, alors je prends le quart de nuit. Lui me relayera le matin.

Au petit matin, j’ai empanné, je suis sur la route. Il n’y a plus qu’à attendre que le front nous passe dessus. On est idéalement placé, je réveille Max et lui dit : ” là mon pote c’est “champagne sailing”, tu es sur la route, tu as plus qu’à attendre que le front rentre, tout droit plein balle, plus de manœuvres, tu me réveilles quand la guerre commence”

Je vais me coucher en me disant chouette, j’ai au moins 1h de sommeil devant moi

20 minutes plus tard je suis réveillé par le bruit des voiles qui battent, des manœuvres en batailles, Max qui s’énerve là-haut,. Apparemment ce n’était pas si “champagne sailing” que ça.

Le front tarde à arriver et en l’attendant on se bat avec des grains (petite cellule orageuse) qui nous amènent de grosses rotations de vent, des rafales brusques, des changements de voiles en pagaille, bref c’est le bordel !

Au bout de 2h ça se stabilise, et le vent monte crescendo, ça y est, on DEBOULE !

14, 15, 16kt de moyenne ça va très vite et on largue rapidement tous les bateaux autour de nous. Cette fois ci le surpoids joue en notre faveur, nous permettant d’être plus puissant et donc plus rapide.

Federico est 4M devant. Alors on se relaye à la barre et aux réglages avec Max pour le rattraper, et ça marche !

4M, 3M, 2M, 1.5M ! L’arrivée approche et on peut le voir s’agiter sur son bateau pour nous garder derrière lui.

En approche de la ligne, pas de réponse du comité de course, personne n’est là, on commence à flipper car on arrive très vite. La ligne est littéralement devant le port. L’entrée avec la houle à port Bourgenay est dangereuse. Donc sans zodiac d’accueil, on est mal.

A 3 min de la ligne le comité nous répond enfin, ils sont en retard, ils n’avaient pas prévu qu’on soit aussi rapide avec Fede. C’est le problème quand les 2 premiers se tirent la bourre à tout berzingue. Ça va très vite. On a vraiment poussé les bateaux à l’extrême !

Le bateau comité qui doit former la ligne avec la bouée déjà installée arrive au moment où l’on passe celle-ci. On annonce nous-même notre passage de ligne et tout de suite on affale les voiles pour ne pas s’écraser sur la digue du port.

Un voilier de 12m vient de s’échouer sur les cailloux devant le port. L’opération de sauvetage est en cours. Je peux vous dire que ça calme les ardeurs quand tu le vois se faire soulever par les vagues qui le balancent avec violence sur les rochers…

Heureusement pour, nous le zodiac arrive. Fede est déjà pris en remorque et rentre dans le port, on le suit.

L’arrivée au ponton est super, on se prend dans les bras, on se marre, il nous dit “cabron !, when I saw you coming back 4M, 3M, 2M, I was destroyed but I had to keep fighting to not let you pass me !”

Victor Mathieu, Federico Waksman et Maxim Dagorne
Victor Mathieu, Federico Waksman et Maxim Dagorne, vainqueurs de la Transgacogne, sur proto, en équipe et en solo. © Josselin Didou

Il n’a pas dormi depuis le départ le bougre. Il nous remercie pour lui avoir mis la pression jusqu’au bout, car c’est surement cela qui lui fera gagner le classement général au temps.

Il me dira par la suite :
“Tu sais ces moments-là il faut les vivre intensément, car ils sont magiques, hors du temps.

Dans 10, 15, 20 ans on se souviendra de ces combats sur l’eau à bord de nos formules 1 des mers.
Ces bateaux c’est un truc de fou, ce sont des tranches de vies dont il faut savourer chaque instants”

Il a bien raison, quand je prends un peu de recul, que je sors la tête du guidon et que j’arrête un instant de penser à tout ce que je n’ai pas fait, tout ce qu’il me reste à faire, la job-list, le budget, le départ de la transat qui approche etc…

Je prends alors conscience de la magie de ces instants, et je souris alors à cette vie qui m’apporte tant d’oxygène.

Victor

Retrouvez tous les résultats de Federico Waksman sur le site Classe Mini et le palmarès de la course Transgascogne.

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